La raideur britannique retarde les efforts conciliants de MM. Molotov et Marshall

Molotov compréhensif

Enfin M. Molotov, a propos du charbon a déclaré :

- Nous devrions nous mettre tous d'accord pour contribuer à résoudre le problème charbonnier français.

Cette déclaration semble donner une certaine consistance aux rumeurs de couloirs, invérifiables par ailleurs, selon lesquelles le maréchal Staline se serait informé très en détail des difficultés industrielles de la France et se serait montré disposé à nous aider pour résoudre la question du charbon. Selon ces mêmes rumeurs, quoique encore une fois je ne les prends pas à mon compte, là se serait situé le centre de l'entretien qui n'aurait donc pas la portée politique de grande envergure que certains  lui prêtent.

Nous parlions, en commençant, de l'effet produit par l'exposé donné hier par   Georges Bidault. Remarquons que dans son intervention assez brève, le général Marshall nous a repris un argument. Il s'est montré hostile à la demande russe  de réparations prélevées sur la production courante, car, et ce sont à peu près ses termes, il ne faudrait pas recommencer l'erreur de l'autre après-guerre et remettre sur pied l'industrie allemande sous prétexte d'obtenir des réparations.

L'argument qu'il a repris va plus loin. L'erreur ne serait pas moins de restaurer inconsidérablerment l'industrie allemande sous prétexte de permettre des exportations.

Raideur britannique, efforts russes et américains vers une certaine conciliation, tel paraît être le bilan de cette réunion importante. On en tire l'impression que la conférence peut aboutir, je dirais même qu'elle devrait normalement aboutir. On le saura encore mieux lundi, jour où les Quatre doivent probablement reporter leur discussion sur cette espèce de nouveau Potsdam que l'on prépare. Les affaires allemandes, pour être résolues, doivent comporter trois périodes :

      1. Liquidation du passé, avec la kyrielle de difficultés non résolues par le Conseil de contrôle de Berlin.

      2. Établissement d'un régime transitoire en attendant qu'un traité allemand soit signé.

      3. Établissement du statut futur de l'Allemagne, c'est-à-dire rédaction du traité de paix.

On peut dire maintenant que la première de ces trois périodes est nettement entamée.

Retenons aussi qu'à Moscou la France se trouve dans une situation assez favorable, mais presque aussi délicate que favorable. Nos alliés, parfois par leur amabilité même, risquent de nous placer dans des impasses.

Mais l'important est de tenir ferme en s'accrochant de toutes nos forces à nos thèses. Les obstacles mêmes que nous rencontrerons et ceux que nous pouvons prévoir ne font qu'en préciser la valeur.